Impromptus sensibles à Tergnier

Dans le cadre du dispositif Plaines Santé, programme de diffusion artistique impulsé en 2020 par la DRAC Hauts-de-France dans le cadre du programme Culture Santé, Clémentine Vanlerberghe (Cats&Snails) m’a invitée à la rejoindre pour créer 15 impromptus de danse et d’arts visuels et imaginer une nouvelle proposition autour de Gratia Lacrimarum avec les résidents du Centre d’hébergement Le Cèdre à Quessy.

Extraits du journal de bord

Impromptu 3

Marylène est déjà là à mon arrivée et pourtant je suis en avance. Rejointe par Florence, Cécile puis Claudia, la séance sera exclusivement féminine même si quelques curieux viennent jeter un coup d'oeil, souvent.Nous commençons par prendre un temps pour partager notre ressenti, ici, maintenant, d'être ensemble. Puis respirer. On visualise une couleur qui nous traverse, par le souffle, qui vient détendre nos corps, qui emporte avec elle nos soucis de l'instant présent. L'esprit est disponible pour inventer.Unanimement elles veulent travailler sur l'amour et Florence souhaite préparer une carte pour sa maman, en ce week-end de Fête des mères.

Recherche d'images ; elles choisissent des couples, des fleurs, du rose, du rouge, une maman pingouin et son petit... Découpage, assemblage, elles font d'abord un premier collage individuel à partir de leur image préférée puis on rassemble leur sélection dans un grand cœur-collage.On parle de leurs mères disparues, ou inconnues, on parle de leur désir, de leurs amoureux. Le temps passe très vite, il est déjà l'heure de nous quitter. Aujourd'hui c'est leur intimité qu'elles ont livrée sur le papier

impromptu 4

Après un échauffement corporel au soleil, nous nous sommes mis à préparer un happening pour tous les résidents juste avant le repas du midi. Inspirés par les collages de la veille avec Fanny et un livre d'art, Clémentine , Marylène et Christophe ont créé une partition chorégraphiée pour une danse 'amour', dansée par Clémentine dans le jardin de la résidence. Les résidents présents ont regardé cette danse de près ou de plus loin, certains depuis la fenêtre de leur chambre. On s'apprivoise encore.

impromptu 11

A mon arrivée, des visages maintenant familiers qui m'attendent, et celui de M. que nous ne voyions plus depuis quelques séances à cause de son nouveau traitement qui la met KO l'après-midi. Je la trouve d'ailleurs différente, nerveuse et impatiente, elle se met immédiatement au travail sur ses "catalogues" comme elle les appelle. Ceux qui n'osaient pas toucher les ciseaux découpent maintenant avec précision autour des images qu'ils ont choisies. C'est la joie le thème d'aujourd'hui, et ça les inspire. A. est très heureux de venir maintenant, il me le signifie par un câlin.

C. travaille de son côté sur un portrait collage de Johnny Hallyday, depuis que je la connais je ne l'ai vu porter que des fringues à son effigie. J'ai même la sensation que son idole est un peu plus que ça, un alter ego, un alter, tout court peut-être.

Le thème est là, les discussions sont légères, quelques curieux passent et repassent et L. qui n'est venu qu'une fois finit par s'assoir. Il a apporté ses ciseaux. Et C. avec ses mandalas accepte enfin de venir les colorier à la table d'à côté.

Workshop Collage in practise

J’ai eu le grand privilège d’être selectionnée et gratifiée d’une bourse pour participer au workshop en ligne “Collage in Practise” organisé par le Kolaj Institute. Trois semaines pendant lesquelles j’ai réfléchi à ma pratique de collagiste, avec une dizaine d’artistes, sous l’oeil bienveillant de nos mentors Ric Kasini Kadour et Todd Bartel. Au travers des différents modules de travail et des nombreux/généreux échanges, j’ai tenté de décrire les éléments qui constituent ma démarche, de comprendre mon processus de travail, mes ressentis, mes références, mes envies, mes projets. En d’autre termes, je suis partie à la rencontre de l’artiste que je suis.

Collage in Practise Workshop Kolaj Institute

Collage in Practise Worshop - Zoom Meeting

Un programme sur mesure pour travailler sur ma fragilité à me définir en tant que tel. Au départ je dois me faire un peu violence mais très vite, et malgré la difficulté à suivre les sessions en anglais, je trouve ma place. Nous sommes tous importants, car nous sommes des individus uniques avec une expérience propre. Todd et Ric nous répètent comme un mantra, qu’être artiste c’est avant tout proposer un discours qui vient de soi.

Collage en cours de réalisation : Dévoiles ©FWD

Au bout du compte, je parviens finalement à analyser mon univers et mon imaginaire se laisse porter jusqu’à envisager de toutes nouvelles intentions de travail. Je constate que je n’ai jamais réellement anticipé aucun collage, ce sont mes mains et mes yeux qui travaillent mais j’ai souvent l’esprit ailleurs. Souvent, l’histoire qui se dégage se construit en même temps que la composition, et je suis enthousiaste à l’idée de dégager désormais une partie de recherche en amont de tout ça. Je suis tellement reconnaissante de parvenir à sortir un peu du syndrôme de l’imposteur pour voir mon avenir de collagiste sous de nouvelles lumières.